Bâtir le réseau des gardiens autochtones: en conversation avec Valérie Courtois

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Lindsay Day
Valérie Courtois

Plus tôt cet été, la coordonnatrice de DataStream, Lindsay Day, a eu l'occasion de renouer avec Valérie Courtois, directrice de l'Initiative de leadership autochtone, à Fort Good Hope / Rádeyįlįkóé, TN-O.

L'Initiative de leadership autochtone fait la promotion d'un réseau national de gardiens autochtones dirigé par des Autochtones et financé par le gouvernement fédéral. Grâce aux programmes de gardiens à travers le pays, les communautés autochtones gèrent, surveillent et protègent la terre, l'eau et la faune des terres ancestrales conformément aux valeurs culturelles et aux lois autochtones.

Valérie Courtois est directrice de l'Initiative de leadership autochtone depuis 2013. Elle est membre de la communauté innue de Mashteuiatsh, située sur la rive de Peikuakami ou Lac-St-Jean.

Voici les points saillants de la conversation de Lindsay avec Val:

Visite de la région du Sahtú

Je viens d'un peuple de caribous et chaque fois que je viens au Sahtú, j'ai envie de voir des frères et sœurs. Les gens du Sahtú sont tellement accueillants et fiers de partager qui ils sont tout en étant très humbles à ce sujet - tout comme nous.

Ici, les gens sont encore en grande partie liés à la terre. Ils pratiquent toujours leur culture, ils veulent voir la terre protégée, ils veulent en prendre soin. Donc, en termes de programmes de gardiens, ce sont les conditions parfaites pour que cela se produise.

Identifier le besoin d'un réseau de gardiens autochtones

À l'hiver 2013, l'Initiative de leadership autochtone, TNC Canada et Tides Canada ont organisé un atelier pour réunir des représentants des programmes de gardiens existants à Squamish, en Colombie-Britannique. Lorsque nous leur avons demandé ce qui fait le succès de votre programme, quels sont vos besoins et ce qui, selon vous, pourrait permettre d'améliorer et de développer ce modèle, trois éléments clés sont ressortis :

1. Ils ont besoin de plus d'échanges comme celui-ci. Les gens voulaient apprendre des autres et créer un réseau.

2. Financement stable. Aucun d'entre eux ne disposait d'un véritable financement de base. Ils ont donc fait appel à une sorte de partenariat au niveau national pour un financement stable. Et,

3. Une formation quelconque, en particulier pour les coordinateurs car ils sont les plus importants pour la stabilité du programme.

Étant donné que l'Initiative de leadership autochtone (ILI) était le seul groupe autochtone parmi les trois à avoir tenu l'atelier, nous nous sentions particulièrement responsables de défendre cette relation avec le gouvernement fédéral et de créer un réseau. Donc, nous avons tout simplement essayé. Nous nous sommes lancés dans l’aventure. Nous avons commencé à parler avec des politiciens, des gouvernements et des membres du cabinet, des représentants de tous les différents partis. Nous avons eu plus de 160 réunions en huit mois. Et surprise, cela a fonctionné.

Je veux dire que nous avons proposé un budget beaucoup plus important. Nous avons proposé 500 millions de dollars, ce qui aurait créé des programmes dans plus de 220 communautés. Mais c'était un peu lourd pour un tout nouveau gouvernement libéral d'intervenir comme ça. Donc, à leur honneur, ils ont fait un petit bond et dans le budget 2017, ils ont annoncé un investissement de 25 millions de dollars pour la création du réseau et le financement initial du programme.

Créer un espace pour un processus dirigé par les Autochtones

Lorsque nous avons rencontré la ministre le jour de l'annonce du budget, nous nous sommes rendus à son bureau parlementaire et elle a dit: « C'est formidable! Qu'est-ce qu'on fait? »

Et nous avons dit: « Eh bien, nous aimerions vraiment vous aider à comprendre cela ».

Et elle a dit: « Non, non, je veux que ce soit vous qui soyiez en charge du contenu », ce que nous n'avons pas l'habitude d'entendre. Et ma philosophie est que s'il y a un espace, vous l'occupez. La ministre a donc créé des espaces et nous en occupons une partie.

Mais notre façon de travailler n'est pas que l'Initiative de leadership autochtone soit en charge du contenu - notre rôle est d'aider à ouvrir le plus d'espace possible afin que les nations autochtones elles-mêmes puissent être en charge et travailler sur ce processus.

À la fin de l'automne ou au début de l'hiver, nous espérons accueillir avec le gouvernement le plus grand rassemblement de gardiens autochtones jamais organisé. Nous attendons entre 500 et 700 personnes. Et ce sera là que le réseau sera créé

Ensuite, j'espère que lorsque le réseau sera formé, il aura ses propres bases et l'Initiative de leadership autochtone continuera à jouer un rôle de plaidoyer extérieur. Nous voulons également nous assurer que nous mesurons l'impact réel de ces programmes, afin de vraiment démontrer la valeur de ces investissements. Parce que nous espérons toujours qu'il s'agira d'un partenariat beaucoup plus vaste et beaucoup plus permanent pour le gouvernement du Canada.

Lorsque nous examinons les avantages pour le gouvernement du Canada, ils ont d’énormes responsabilités qu’ils ne sont pas en mesure de remplir, en particulier en ce qui concerne la protection de la biodiversité, les espèces en péril et le changement climatique. Et ce sont des domaines où les gardiens autochtones pourraient clairement avoir un rôle à jouer. Nous sommes en quelque sorte les premières lignes. Le gouvernement du Canada n'a pas le personnel pour suivre les changements climatiques dans tous les écosystèmes. Mais nous serons là et nous pourrons le faire. Il y a du pouvoir là-dedans.

Générer un changement positif à partir de zéro

J'ai travaillé et géré le programme des gardiens de l'environnement de la nation innue pendant neuf ans. J'ai vu ce que les programmes transformationnels de gardiens peuvent représenter pour les personnes individuelles et les familles. Nous avons des gardiens actuels qui disent: « Mes enfants veulent devenir gardiens quand ils seront grands ». Pour moi, c'est une énorme marque de réussite.

Cela peut être si difficile lorsque vous vivez dans des communautés éloignées confrontées à des défis sociaux et autres. J'ai l'impression qu'il n'y a aucun espoir. Ce programme nous donne de l'espoir. Nous retournons à la terre. Les gens sont qui ils sont. Et ils en sont fiers.


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À propos de l’auteure
Lindsay Day

Lindsay est la directrice de programme pour DataStream. Dans le cadre de ses fonctions, elle travaille avec les communautés, les gouvernements, les chercheurs et d’autres collaborateurs afin de développer et d’améliorer constamment DataStream, une plateforme en ligne à accès libre pour le partage de données sur la qualité de l’eau au Canada. Lindsay a une expérience en communication dans le domaine de la santé et des sciences, et elle est passionnée par le travail en équipe afin d’améliorer la façon dont nous utilisons et prenons soin de l’eau au Canada.

Lindsay est titulaire d’un baccalauréat en sociologie et en anthropologie de l’université McGill et d’une maîtrise en médecine des populations de l’université de Guelph.

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Auteur invité
Valérie Courtois